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La lutte sociale au Brésil a le goût de la terre et sent la forêt, Partie II

Heureuses de vous retrouver pour la seconde partie de notre travail traitant des formes que prennent la lutte sociale au Brésil. Cette fois, nous allons vous transporter à l'ombre de la forêt, là où il fait frais ... sauf quand on coupe les arbres pour installer des vaches. La forêt doit être préservée, mais pourquoi faire et comment ? Et quel est le rapport avec la lutte sociale au Brésil ?


Le noyer d'Amazonie, le roi de la forêt qui a bien souffert de la déforestation. Aujourd'hui, il est le symbole de la lutte pour la protection de la forêt.

Il est interdit de couper et de vendre son bois...


La forêt et la terre, signe extérieur de richesse intérieure


La forêt qu'on tente de protéger ...


Depuis 10 000 ans, la forêt Amazonienne a nourri et accueilli des populations indigènes. Un profond respect de la forêt anime les pratiques quotidiennes des indiens d'Amérique. Tout est fourni par la forêt: de la nourriture diversifiée (chasse, pêche, cueillette de fruits), des matériaux de construction et des remèdes. La forêt confère également à la terre toute sa fertilité: la matière organique qu'elle produit profite à la vie du sol et par conséquence à la production agricole. Avec une gestion durable et respectueuse, les populations ont pu optimiser les ressources forestières: agriculture traditionnelle et système agroforestier. Cependant, depuis la colonisation, la forêt a souffert de l'appétit des grands plans économiques et politiques et du secteur privé. Le dépouillement de l'Amazonie a causé la disparition des indigènes et de leur immense savoir sur les propriétés de la forêt.


Depuis 1934, le pays a pourtant mis en place un "Code forestier" pour préserver ressources naturelles issues de la forêt brésilienne. Ce code surgit suite aux conséquences négatives de l'exploration intensive de charbon dans la région de l'Amazonie, et a évolué au cours du temps, mettant en avant de plus en plus le rôle environnemental de la forêt.

En 2012, tout les propriétaires et les possesseurs de terre sont soumis à des règles qui les obligent à gérer durablement la forêt ou conserver les forêts natives, ces dernières classées en Aires de Préservation Permanente ou ARP, les Aires de Réserve Légale ou ARL et Aires d'Usage Restrictive ou AUR.

Selon la localisation géographique et l'écosystème donné, les stratégies pour récupérer les zones forestières sont différentes. L'APP est une zone protégée et donc couvertes par des espèces natives et exotiques où la priorité est la préservation des ressources, la protection du sol et le bien-être des populations. L'ARL, quant à elle, décrit les espaces couverts de végétation native et dont la fonction est d'assurer l'usage économique des ressources naturelles d'une manière durable et responsable.


Ce "Code Forestier" permet de conserver, pour une terre classée en ARL, un pourcentage de végétation ou forêt native, sur laquelle on ne peut pas déforester, ou sous certaines conditions. Sur le territoire couvert par la forêt Amazonienne, les petits agriculteurs, tout comme les grands propriétaires fonciers, doivent préserver 80% de forêt sur leur parcelle ou domaine. Dans d'autres régions, ce pourcentage est de 35 à 20%, car la forêt n'est pas autant représentée ou autant estimée.. Toute coupe de bois est interdite et normalement punie par la loi... {1}


L'une des stratégies de récupération forestière qui peut générer un revenu est l'établissement de systèmes agroforestiers. En effet, c'est un système productif qui s'appuie sur la succession forestière et l'association d'une grande diversité d'espèces pérennes et natives. L'optimisation de la diversité offerte par la forêt est un processus qui nécessite d'avoir une vision à long terme, chose que peu de brésiliens ont pour le moment...



Une lutte sociale qui se déguise en extrativisme ...


Le pillage de la forêt est inacceptable pour tous ceux qui en dépendent. Certaines communautés ou courageux se confrontent aux fazendeiros ou aux autorités locales pour clamer leurs droits et leurs contestations. Les réponses sont quelques fois très violentes. Malgré cela, le combat continue et s'intensifie.


Le premier week-end où nous sommes arrivées à Maraba, on nous a d'abord parlé du travail esclave et de l'accès à la terre dans la région. Puis, on nous a conduit à l'assentamento Praia Alta Pranheira à Ipixuna, pour participer à la "Romaria" de Maria de Espirito Santos et Sé Claudio (marche de commémoration). On a pas tardé pour nous raconter l'histoire de ce couple militant...

La 6ème Romaria de Maria et Claudio le 20 mai 2017, 5 km pour se souvenir des martyrs de la forêt

Le 24 mai 2011, Maria et Claudio se font assassinés par des "pistoleiros" sur le chemin de l'assentamento, après avoir dénoncé un fazendeiro qui avait acheté illégalement des terres et qui était en train d'expulser les habitants. Depuis 2008, Claudio figurait sur la liste des environnementalistes menacés de mort en Amazonie, à cause de son combat au côté de Maria pour la défense de la forêt et de ses ressources. Tous les deux étaient agroextrativiste, autrement dit, ils vivaient de la récolte de noix du Para, de la semence d'andiroba, de fruticulture mélangée à un peu d'agriculture vivrière. Un vrai profil d'agroforestier !


Laisa nous a accueilli et nous a livré sa souffrance et sa lutte. C'est à ses côtés que nous avons marché en mémoire de Maria et Claudio, mais aussi de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour celle des autres et celle de la forêt. Depuis le lieu où le couple a été abattu jusqu'à leur maison, l'atmosphère était de plus en plus enjouée et festive. La marche commémorative s'est achevée au pied de la "Majestade", le plus grand noyer d'Amazonie (qui donne les noix du Para) de l'assentamento, c'est la fièrté et le symbole de la lutte des extrativistes de la région.

Stèle de la mémoire de Claudio et Maria le jour de la Romaria, à l'endroit où ont été retrouvés les corps.

La stèle a été vandalisée avec un "Não Mentiu" , c'est-à-dire "Ne mens pas". Toutes les personnes impliquées dans le meurtre n'ont pas été toutes inculpées. Certaines vivent encore dans l'assentamento et croisent tous les jours les familles des martyrs.




Dans l'assentamento et dans la communauté, leur lutte était louée et servait à éveiller les consciences socio-environnementales. Toute leur vie a été orchestrée pour affirmer leur droit, proclamer la justice et prôner la richesse de la forêt et de la terre. Bien que leur combat a pris fin, ils ont réussi à mobiliser les foules et à révéler une nouvelle facette de la lutte pour l'accès à la terre, par le prisme de sa protection.

Laisa, la sœur de Maria, a volontier échangée sa vie en ville pour venir à l'asssentamento. A la mort du couple, c'est avec force et courage qu'elle a conduit le mouvement de résistance, malgré les menaces de mort.


Chico Mendes est une autre figure de ce combat contre l'injustice sociale. Célèbre mondialement, il a fait connaître la cause des collecteurs de latex dès les années 70. Assassiné en 1988 par un fazendeiro, son action a eu des répercussions internationales. Tout comme Maria et Claudio, Chico aura permis de lever le voile sur les injustices perpétrées sur les communautés vivant des richesses de la forêt.


Militante pour la protection de la forêt et de l'accès à la terre à la Romaria




La lutte sociale au Brésil prend encore de nombreuses formes que nous n'avons pas encore eu le temps d'explorer... Ici à Maraba et dans tout le Sud-Est du Para, ce sont l'agroforesterie, l'agroécologie et l'extrativisme qui tentent d'affranchir les populations brimées.




Souce:

{1} embrapa.br/codigoflorestal


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