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Laisa et Sé, en route vers l’autosuffisance alimentaire

Des vies de courages, des vies de lutte, des vies pour la vie



Le weekend du 20-21 mai, nous avons eu l’occasion de participer à la 6ème Romaria, un événement commémoratif des massacres commis envers la forêt, commémoratif des gens morts pour la forêt .



Sé et Laisa au milieu de leurs enfants Mémorial de la 6ème Romaria à l'endroit où sont décédés José Claudio et Maria.



Vivre pour défendre la forêt, vivre de la forêt, c’est ce qu’essaient de faire Sé et Laisa, le couple chez qui nous avons logées durant ce weekend. Ils vivent au sein de l’assentamento Agroextrativista Prailata Piranheira. Cet assentamento de 400 familles et créé en 1997, est perdu entre forêt et champ de capins, la fameuse herbe qui nourrit le bétail d’ici. Il faut prendre une route [le nom est trop fort] cabossée [l’adjectif est bien trop faible] sur 50 km pour rejoindre la première ville (Nova Ipuxuna). Durant la saison des pluies, cette « route » est souvent impraticable. L’électricité n’a été qu’installée en 2007. Depuis deux mois la pompe à eau du couple est cassée. Heureusement à 100 mètre de la maison ils ont une marre pour puiser de l’eau et prendre leur bain. Un retour à la nature ? Autant dire que pour nous, citadines, habituées à avoir tous les services à moins de 5 minutes, la vie ici nous parait difficile. La solution serait-ce peut être de tout avoir dans son jardin ?

En route pour le bain.


, lui, est venu car il a toujours voulu cultiver la terre.

Laisa, elle, est venue pour voir sa sœur. Elle est restée. Elle avait trouvé ici une vie simple et saine. Mais surtout, elle pouvait pratiquer sa passion : enseigner (dans l’école de l’assentamento). Malheureusement après deux AVC, dont un qui lui fait perdre l’utilisation de son bras fort, elle ne peut plus exercer. Mais le combat ne s’arrête pas là pour elle !


Après la mort de sa sœur Maria do Esperito Santo en 2011, elle décide de reprendre son travail. Maria avait créé le groupe GTAE (Grupo de Trabalhadoras Artesanais Extrativistas) pour lutter pour la préservation de la forêt. Ce groupe de femmes apprenait à utiliser la semence de l’andiroba pour en faire de l’huile et autres produits. Ce groupe avait été créé en 2007 dans le but de sensibiliser à l’utilité de la forêt.


Dans la forêt native poussent de nombreux andirobas. Arbre miraculeux, son huile permet la cicatrisation, est un anti-cancérigène et soulage les maux de gorge (testée et désapprouvé). Avec l’huile, les femmes confectionnent également des savons mais aussi de l’anti-moustique et de la crème hydratante. Et si jamais vous n’avez pas d’huile, un peu d’écorce trempée vous procurera un remède contre les maux de dos.

L’andiroba ou l’arbre miraculeux !

A la mort de Maria, le groupe s’arrête. Ainsi Laisa réunit à son tour 10 femmes pour travailler de nouveau sur la valorisation de l’andiroba. Le travail est collectif et les fruits de la vente sont partagés. A plusieurs, leurs voix ont plus d’impact !

Aujourd’hui, il reste le problème de la certification coûteuse du produit pour pouvoir l’exporter (dans le reste du pays et à l’étranger).


Au milieu, trône l'andiroba


Comment extraire l’huile ?


A travers ce projet elles veulent montrer qu’on peut tirer une rente de la forêt.

A travers ce projet nous arrivons à l’extrativisme….


L’extrativisme, « a ousadia de conviver com a floresta [1]”

L’assentamento d’ici ne se nomme pas assentamento Agroextrativista pour rien. Il a en effet un statut bien spécial. Les familles qui vivent ici ont pour devoir de protéger la forêt et de ne plus la couper. Au contraire, ils doivent reforester et vivre durablement de la forêt. Seulement, seule 10 familles (les familles du groupe de femmes) tentent de vivre de l’extrativisme. Les autres n’ont plus de forêt. Envolées pour faire paître quelques vaches …


Mais, comme Claudio et Maria, Laisa et Zé veulent montrer qu’il est encore possible de vivre en harmonie avec la forêt. Montrer que l’on peut produire de façon rentable tout en respectant la nature. C’est cela l’extrativisme, vivre dignement de la forêt.

Comme autre espèce emblématique de l’extrativisme, on peut citer la noix du Pará. Saviez-vous quelle poussait sur un arbre majestueux pouvant vivre plus de 10 vies d’homme ?


Laisa a également décidé de prouver à travers son métier d’enseignante que l’extrativisme ce n’est pas une utopie. Elle a enseigné à ses élèves comment utiliser durablement les produits de la forêt. Ateliers bijoux, couture, pâtisserie, la biodiversité de la forêt est si grande qu’il n’y a qu’à laisser jouer son imagination …

Peut-on encore parler d’agroforesterie ?


Planter des espèces pour garantir la diversité, pour garantir la vie


Le Saviez-vous ? [2] Le Brésil est le premier exportateur mondial de bovins, devant l’Inde. Ce qui peut paraître amusant lorsqu’on sait que la nélore, la vache brésilienne, a comme origine le bovin de type zébu que le Brésil a commencé à acheter en Inde dans les années 1920. 85% des vaches brésilienne ont du sang de nellore tandis que dans sa région d’origine elle connait un énorme déclin et est de moins bonne qualité. Evidemment, cette viande brésilienne on l'a retrouve en France ...

Vu ce qu'on vous a décrit dans les derniers articles, on ne peut vous conseiller qu'une chose: soyez acteurs de votre consommation !

"L'arrivée au Brésil des premiers bovins importés d'Inde, vue par le peintre Calmon Barreto (Musée d'Araxa). Vision idéalisée, la stupa boudhiste censée évoquer l'Inde et l'accompagnant en turban, ainsi que la localisation bucolique du quai de débarquement, ont peu à voir avec la réalité de l'événement."[2]

La ligne de mire du gouvernement c’est l’agroalimentaire, les grandes cultures et l’élevage.

Aaah les fameuses vaches brésiliennes… Que mangerait-on si elles n’étaient pas là ? Du riz et des feijão ? Le pain quotidien des petits agriculteurs que nous visitons…

Ici, c’est de l’agriculture familiale. Or au Brésil l’agriculture familiale est aidée par le Pronaf (Programa Nacional de Fortalecimento da Agricultura Familiar). Cependant, le Pronaf accorde de l’argent seulement pour élever des vaches et non pour élever la forêt ...

Tout ce qui a été fait ici, c’est avec la seule force de leur courage que le couple l’a fait. Même si au début ils ont eu quelques vaches pour pourvoir financer leurs projets futurs.

Depuis 15 ans, Sé reforeste son lot de 10 alqueires, soit environ 50 ha . Il plante les espèces une à une, andiroba, castanha du Pará , mogno, cupuacu (jus, mousse, crème, tout ce qui sort de ce fruit est un délice), caja, acaï, etc., avec la seule certitude que c’est bon pour le futur et meilleur pour l’environnent. Il a ainsi planté 2 ha de forêt. Même si Sé a à cœur de préserver la biodiversité de la forêt amazonienne, il faut aussi qu'il nourrisse sa famille. Malheureusement le riz ne pousse pas dans la forêt ...


Comme la plupart des agriculteurs brésiliens, il a préparé sa première parcelle grâce au feu. Une parcelle composée par du maïs (il en a sélectionné plus de 10 variétés), du manioc et des haricots. L'incontournable trio ! Aujourd'hui, pour fertiliser ses cultures, il utilise une légumineuse, la pueraria, qui s'épanouit très vite. Il a également une parcelle de riz, quelques légumes et de nombreuses poules qui lui apportent viande et œufs frais. Avec tous cela, pas de soucis pour préparer le repas du midi ! Il a également diversifié sa production avec une parcelle de poivriers dont il espère tirer une bonne rente. Les poivriers sont associés avec de l'ananas et quelques bananiers qui apportent de l'ombre.

Sé ne se contente pas de planter des arbres dans la forêt. La maison est entourée par des pieds de cacao, café et papaye. Il a également profité de l'ombre du manioc pour planter des plantules d'arbres au sein de ses parcelles. Il porte beaucoup d'espoir dans le coipaba. En effet, l'huile qu'il va extraire du tronc de cet arbre est très recherchée par les laboratoires pharmaceutiques. Sé a compris qu'ils pouvaient tirer une rente des arbres mais il a aussi compris qu'ils allaient améliorer le sol et la gestion de l'eau de son système.


Reste le problème de la commercialisation de tous ces produits. Car ici pas de coopérative, seulement des petits producteurs isolés avec une trop faible production pour intéresser quelqu'un ...


Pour Chiquinho, technicien agricole de la CPT, on peut parler ici d'agroforesterie. Pour lui l'agroforesterie c'est l'association d'un arbre natif avec au moins deux autres espèces (pérennes ou annuelles)



« Convivendo com a floresta de forma sustentavel, ecologicamente sustentavel e viavel e juste, né » [5]

[1] "Le courage de vivre avec la forêt"

[2] http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Bresil/BresilScient3.htm

[3] "Vivre avec la forêt de manière durable, écologiquement et économique durable, c'est cela" Maria do Esperito Santo




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