Bien plus que de la boue et des moustiques, la mangrove est un écosystème indispensable au maintien de l’équilibre socio-écologique, entre terre et mer.
Peu connue et moins glamour que la forêt primaire, la mangrove est cependant touchée par les mêmes maux :
déforestation, modernisation, changement climatique...
Un peu d’écologie !
La mangrove est un écosystème de marais maritime tropical, c’est-à-dire une communauté d’êtres vivants se développant dans un environnement particulier : la zone de balancements des marées ou l’embouchure d'un fleuve.
En bref, elle a besoin de la chaleur, de l’humidité des côtes tropicales ou subtropicales et d’une inondation périodique et salée.
Elle constitue l’un des quatorze grands biomes terrestres, au même titre que la forêt tropical, le désert, la savane… Sauf que la mangrove ne jouit pas de la même réputation ! Et pour cause, elle est synonyme de boue, moustiques, et autres espèces peu ragoûtantes. Cependant, cette écosystème procure un équilibre environnemental entre la terre et la mer car elle joue un rôle de zone tampon contre l’érosion et la dégradation des milieux. On peut citer ses effets dans la résilience écologique des zones côtières face aux catastrophes naturelles comme les cyclones et les tsunamis ; et les catastrophes liées au dérèglement climatique, comme les inondations, la montée des océans... L’intérêt écologique et les fonctions de la mangrove viennent de la différenciation des racines de son arbre emblématique, le palétuvier. Bien qu’il se décline en une diversité d’espèces aux caractéristiques et propriétés originales, ses racines lui assurent un solide ancrage au sol, résistantes à toutes perturbations marines et terrestres.
Avec les nombreux fleuves, rivières, baies et embouchures qui sillonnent la forêt amazonienne, le Brésil possède la plus grande mangrove au monde. Principalement présente au nord du pays, c’est cependant au Maranhão que la mangrove est la plus développée, couvrant près de la moitié de cet Etat (5000 km²). Parmi les six familles de palétuvier, quatre se trouvent au Maranhão : les palétuviers rouge, noire, blancs et “de bouton”.
Jeune pousse de palétuvier
De la déforestation à l’épuisement des ressources et de ses habitants
Les populations qui résident près de la mangrove disposent d’abondantes ressources en poisson, crustacés, miel, fruits, bois de construction et combustible. Les communautés bénéficient aussi d’une terre fertile car la biomasse produite par les mangroves est l’une des plus productives au monde.
Sa valeur est également culturelle. C’est tout un mode de vie, des traditions qui se sont forgés autour de ce milieu à la fois hostile, mystérieux et généreux. A titre d’exemple, l’écorce du palétuvier rouge permet d'obtenir une teinte auburn qui est utilisée pour la coloration du papier artisanal (voir article sur OCA et la fabrication de papiers de bananes), de vêtements, d’objets artisanaux. La mangrove est aussi un livre d’histoire à ciel ouvert : on y retrouve les traces d’anciens séismes, des fossiles de dinosaures, des vestiges de tsunamis...
On estime que 100 000 familles maranhenses dépendent de cet écosystème aujourd’hui.
Pêche et bain de boue tonifiant auprès de la mangrove de Alcântara - Photographies de Claudio Farias
La déforestation de la mangrove vient peu à peu dégrader les conditions de vie des locaux. En effet, au Maranhão, la mangrove est grignotée par la bétonisation du littoral. Les villes, les zones industrielles, portuaires, ou encore spatiales (voir article le projet Pepital) prennent de plus en plus de place, asphyxiant faune, flore et communautés. L’accès à la pêche et à une protection climatique s’amenuisent avec la disparition de ces espaces d’intérêts. Ces populations seront forcées de se déplacer si les politiques et de la population elle-même ne prennent pas rapidement conscience du problème. Mais pour aller où ? Pour envahir quel autre espace naturel ou pour tomber dans quelle jungle urbaine ?
Le manque de connaissances sur les mangroves est la principale source de sa destruction, et pourtant, c’est un des patrimoines brésiliens. Tout comme la forêt, les fonctions et les services écosystémiques fournis par la mangrove sont insondables et c’est lorsque les populations les perdent qu’elles se rendent compte de leur nécessité.
Encore une fois, on constate à quel point le rôle de l’arbre est essentiel dans notre environnement et dans notre quotidien. Qu’il soit au bord de l’eau ou sur la terre ferme, il assure sérénité, durabilité et pérennité.
Palétuvier rouge et ses racines par milliers
Claudio Farias est un cinéaste, journaliste, mais surtout, un amoureux de sa terre d’adoption, Alcântara. C’est à travers le folklore local qu’il a appris à connaître cette ville. Puis, c’est à travers l’étude de la mangrove qu’il a appris à s’en passionner.
Depuis 2010, Claudio a pris résidence dans le « Sitio Escola » de OCA (voir l’article sur OCA et le désir de partager). A l’abri des regards, il réalise patiemment le projet d’une vie : «Mundo Mangue». Avec ce projet, il ne cherche pas le succès, ni la reconnaissance. Son rêve est de transmettre sa passion pour la mangrove, attirer l’attention et éduquer sur cet écosystème fragile.
L'opportunité nous a été donnée de rencontrer cet homme captivé et captivant. Bon public que nous sommes, nous nous sommes laissées convaincre par son rêve et son combat.
Projet "Mundo Mangue"
Photographies de Claudio Farias
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