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Le Brésil, un pays qui n'en a toujours pas fini avec la colonisation et les inégalités !

A travers cet article nous voulons vous montrer que la situation actuelle du Brésil : inégalités, déforestation et accès à la terre, est fortement liée à son histoire passée et à sa politique de colonisation. Des problématiques et des contextes pas très simples à comprendre ...

Commençons par les faits historiques et la colonisation portugaise [1]


C’est au début du XVIe siècle que les portugais colonisent le Brésil. Pas si simple de coloniser un pays qui fait dix-sept fois la France, au terrain hostile et peuplé de véritables guerriers ! Mais l’accaparement des terres se fait malgré tout, le long de la côte atlantique, et entraîne l’élimination d’une grande partie de cette population amérindienne qui était alors estimée à deux millions. Les survivants, eux, fuient vers l’intérieur des terres et en Amazonie. En 2000 selon l'INSEE on en comptait seulement huit cent milles.


Les terres colonisées sont attribuées à des grandes familles portugaises pour développer la production de canne à sucre. Manquant de main d’œuvre dans les plantations, les portugais se tournent vers l'esclavage amérindien puis rapidement vers la traite africaine. Après une longue période d’esclavagisme, le Brésil est le dernier pays à abolir l’esclavage, en 1888, il y a seulement 129 ans ! Une histoire pas si vieille que ça ... mais peut-on vraiment parler d'histoire ? (cf. Maraba, rencontre en terre d'expulsion et d'esclavage).


La concentration des terres et du pouvoir économique se trouve alors dans les mains d'un petit nombre de familles et de grands propriétaires. Cependant il a toujours existé une paysannerie libre, pauvre mais libre, jusqu’à ce que les gros propriétaires étendent leur surface en raison de la hausse des prix agricoles. Des milliers de paysans appelés des « posseiros » soit des possédants, munis du seul droit d'usage, sans aucun droit de propriété, utilisaient la terre jusqu’à ce qu’elle ait une valeur économique. Ils sont expulsés à la fin du XVIIIe siècle par les gros propriétaires qui ont besoin de plus de terre pour assouvir les besoins en canne à sucre des européens. Les paysans ont alors migré vers l’ouest pour défricher de nouvelles terres.


La colonisation de l’ouest commence petit à petit !

Le saviez vous ? Le Brésil est le pays qui a accueilli le plus d'esclaves au monde avec quatre à cinq millions d'africains soit dix fois plus qu'aux Etats Unis ! Un pays encore marqué par l'esclavage, avec plus d'un brésilien sur deux qui est afro-descendant …

La colonisation des terres à travers le temps

Indépendance du Brésil et empire royal :

Bien que le pays obtient son indépendance en paix en 1822, c’est un roi d’origine portugaise qui prend le pouvoir. Le Brésil comptait alors quatre millions d’habitants, tant de monde à répartir sur d’immenses terres encore officiellement non-occupées ! A cette époque la terre est à celui qui se l’approprie et fait acte de possession. Ce mode d'appropriation "physique" augmente les tensions d'autant plus que la production du café commence et que les besoins en terres et en main d'œuvre sont importants.


En 1850, la loi sur la terre est votée. Elle stipule que les terres encore non occupées deviennent propriété de l'État et qu'elles ne peuvent devenir propriété privée que par la vente. Pour ce qui est des terres occupées par les posseiros, quelle que soit la superficie des terres revendiquées, ils peuvent régulariser leur situation. Cependant, le prix à payer est toujours trop élevé et le processus est trop complexe pour que les posseiros les plus pauvres accèdent à la propriété. Faute de moyens administratifs, la loi sur la terre a été peu appliquée, laissant place à la "loi du plus fort" et l'appropriation de terres au profit de l’oligarchie. [1]


Malgré ce pas en avant envers les petits agriculteurs ce sont, encore une fois, les grands propriétaires qui sont privilégiés au détriment de l'agriculture familiale.


La réforme agraire lors de la république :

L’empire royal est suivi par l'instauration d’une république en 1889. Le Brésil connaîtra alors une histoire politique en dents de scie, rythmée par une intermittence de régimes militaires et dictatoriaux. Les premières élections véritablement démocratiques auront lieu seulement en 1989.


Le débat sur l'accès à la terre revient d'actualité après la Seconde guerre mondiale. Le retard de l'économie brésilienne serait lié au secteur agricole "traditionnel" qui doit être modernisé. Faut-il d'abord réaliser la réforme agraire pour donner naissance à des exploitations familiales ou privilégier le développement d'une agriculture d'entreprise : les fameuses latifundios ?



La réforme agraire s'inscrit dans la Constitution de 1946. Elle vise à offrir des terres aux paysans qui les cultivent en les « confisquant » à leur propriétaire. Seules 14% des surfaces productives étaient utilisées pour des fins agricoles [2]. Cependant cette réforme a été freinée par tous les gouvernements successifs, notamment la dictature militaire de 1963 qui opte plutôt pour la colonisation de terres "vierges", principalement en Amazonie et pour la modernisation des latifundios*.

Propriété privée d'un latifundio

La construction de routes et d'infrastructures pour l'exploitation des ressources minières et hydroélectriques en Amazonie est lancée. C'est la régularisation foncière (l'accès aux titres de propriété) qui va appuyer la colonisation de cette région avec le slogan officiel: "de la terre sans homme pour des hommes sans terre". Le gouvernement fait une grosse propagande pour coloniser cette région et pour montrer que l'on colonise, que l'on exploite, il faut déforester ... C'est l'Institut National de la Colonisation et de la Réforme Agraire (INCRA), créé en 1970, qui va encadrer cette colonisation [1].


Terres déforestées et pâturages

L'INCRA met en place des plans de colonisation aux abords de la route transamazonienne en construction en offrant des titres provisoires de propriété. Beaucoup de travailleurs ruraux sans terre qui travaillaient pour les grands propriétaires du Nordeste, le premier endroit colonisé par les portugais, viennent en Amazonie à la recherche d'une terre. L’INCRA se retrouve d'un seul coup avec un afflux de travailleurs sans terre et ne parvient pas à tous les cadastrer. Beaucoup se retrouvent encore une fois sans terre. Ils sont le plus souvent, les premiers défricheurs de la forêt, et occupent la terre, sans garantie foncière. Certains verront leurs droits fonciers reconnus par la suite grâce à la politique des assentamentos (cf. Comment devenir propriétaire ... ?). On retrouve également les agriculteurs familiaux venus généralement du Sud, possédant un petit capital, qui intègrent les projets privés de colonisation, ou qui occupent les espaces réservés par l'INCRA pour l'installation de petites fermes d'élevage (500 à 3 000 ha) et de plantations. Vous l'avez compris l'Etat favorise l’élevage et les gros propriétaires.


Dans tout le Brésil, cette politique de régularisation foncière offre un cadre pour la titularisation de la terre. Les grands éleveurs s'approprient alors les terres des premiers occupants, qui n'ont pas de titre de propriété, ni même de titre provisoire de l'INCRA [1]. Il existe encore aujourd’hui beaucoup de titres de propriétés falsifiés...


Et la politique d’aujourd’hui ?



Depuis les premières élections démocratiques de 1989, plusieurs affaires de corruptions touchent les présidents sans trop de conséquences. C'est en 2016, que la présidente Dilma Roussef est destituée lors de son deuxième mandat pour cause de corruption. Ici, certains appellent ça un coup d’état parlementaire sexiste ! C'est Michel Temer, son vice-président, qui prend alors le pouvoir, le temps d'organiser de nouvelles élections que le peuple attend toujours. Malheureusement le soutien politique de Temer est fortement lié et financé par les grands propriétaires terriens, la « bancada ruralista ». Cette oligarchie financière favorise encore plus les grands propriétaires au dépend des indigènes, des quilombos, des petits agriculteurs, et des sans-terres...


"Fora Temer" - Dehors Temer, un tag parmis tant d'autres sur les murs du pays

Ainsi aujourd'hui, près de 1 % à peine des propriétaires terriens - les "fazendeiros" - possèdent plus de 43 % des terres, tandis que 53 % des paysans possèdent moins de 3 % des surfaces cultivables. Un chiffre auquel il faut ajouter 25 millions de personnes sans terre [2]. Beaucoup passent alors par les assentamentos et des années de lutte pour obtenir un bout de terre ... Pour en savoir plus sur les assentamentos c'est ici !

Réunion de l'assentamento PDS Porto Seguro avec l'INCRA

* Le "latinfundio" est une grande propriété caractérisée à la fois par sa taille, de quelques centaines d'hectares à des dizaines de milliers d'hectares, et par la très faible mise en valeur des terres. Elles sont le plus souvent consacrées à l'élevage extensif et à quelques cultures vivrières assurées par des paysans sans terre, liés au maître du domaine par des liens de dépendance à la fois personnelle et financière.

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